C’est compliqué la culpabilité. Ce n’est pas non plus toujours fondé sur quelque chose de raisonné. Moi par exemple je me sens coupable quand je n’ai pas d’énergie pour travailler. Je me sens oisive et privilégiée. Ce privilège que je me suis créé de pouvoir choisir quand je travaille ou pas, me fait culpabiliser.
Parfois, je me sens un peu débordée. Ce sont les jours où Arnaud n’est pas là. Ça arrive souvent. Plusieurs fois par mois, il doit s’absenter quelques jours pour le travail. Et ces jour-là se relèvent (sans surprise) plus dur que les autres. Je gère toute seule. Et rien que d’y penser je me sens fatiguée. Les petits-déjeuner, habiller les enfants, les faire arriver propres à l’école. Le tout sans s’énerver, sans qu’ils s’énervent, sans qu’ils réveillent tout l’immeuble parce qu’ils se seraient disputés dans l’escalier, sans qu’ils se blessent et sans que l’appartement ressembler à un champ de bataille. À 16h20 ça recommence. Aller chercher les filles, leur faire mettre le manteau toujours sans s’énerver et les faire patienter jusqu’à l’extérieur pour leur donner le goûter alors qu’elles s’accrochent à mon sac, tout en espérant que je n’ai pas choisi quelque chose qui risque de provoquer une quelconque contrariété et se dépêcher d’aller chercher César. Etc. Et en fait, ces jours-là je n’arrive parfois pas à trouver l’énergie, comme si elle avait été utilisée toute entière à m’occuper des mes trois enfants, faire en sorte qu’ils soient bien, u au moins pas trop mal.
Me sentir débordée par mes enfants et n’avoir plus assez d’énergie pour écrire me fait sentir coupable. Comme si je n’étais pas à la hauteur d’une certaine exigence d’hyper productivité. Cette exigence vient de moi, elle vient aussi de l’environnement général qui me semble considérer l’oisiveté comme le pire des vices. Il est de bon ton d’être débordé par son travail, par ses obligations. Mais le truc c’est que quand je me sens débordée, je n’arrive pas à faire autre chose que de m’arrêter. Et j’ai conscience, entièrement qu’il s’agit d’un privilège. Seulement voilà, je ne crois pas l’avoir volé ce privilège. Je l’ai juste créé pour moi. Nous nous le sommes créés avec Arnaud. J’ai décidé au moment de la naissance de mes enfants que j’aurais le temps de plus travailler plus tard, quand ils seront plus grands. Quand ils ne voudront pas de mes câlins. Quand ils n’auront pas besoin de moi la nuit.
Alors j’essaie d’assumer ce débordement. Et de déqualifier cette oisiveté en période d’inspiration, en respiration et ressourcement. DE toute façon, mon travail sera fait. Les commandes honorées. Et mes objectifs atteints d’une façon ou d’une autre. Tout l’intérêt pour moi d’être indépendante et justement pouvoir jouir de cette indépendance et organiser mes journées comme je l’entends, autour de mes priorités. Et c’est certainement un privilège, mais c’est aussi un mode de vie. Nous avons renoncé à certaines choses en choisissant cette vie, j’aurais envie de dire à certains plaisirs bourgeois. Mais c’est notre vie. Et en choisissant exactement la vie que je veux mener, je me réalise moi. Je ne suis pas hyper productive et hyper rentable, mais ce n’est pas mon but dans la vie. Mon but dans la vie c’est d’être cool. Il me reste à assumer mon côté contemplatif, qui est le verso de mon côté hyperactif, et laisser la culpabilité de côté. Tout en reconnaissant qu’elle m’a aidé à écrire ces lignes 🙂