Le plan du dimanche c’était de rester tranquille. Mais finalement on a senti avec Arnaud que Jasmin avait besoin d’attention et d’un truc spécial. Elle s’était bagarré tous les jours à l’école. Et à la maison on se sentait obligé de la garder près de nous tout le temps sinon ça devenait très vite le waï.
Alors j’ai fait ce que je sais faire. Je l’ai emmenée au cinéma. On est allé voir Ralp 2.0 et c’était très sympa, une histoire d’amitié entre garçon et fille.
Je l’ai sentie détendue dès qu’on s’est retrouvé toutes les deux. Elle parlait. Elle était toute heureuse.
Le retour a été un peu dur mais plutôt que de la gronder quand elle est tombée en crise de larmes pour des raisons qui me paraissent minimes (ça ne sert pas à grand chose et elle peut partir en fureur) j’ai essayé de jouer la légèreté et de lui faire penser à des trucs heureux. Pas du tout pour lui mettre la pression et lui dire qu’elle est ingrate. Juste pour un changement de perspective.
J’ai l’impression que Jasmin est à un stade de développement où elle commence à ressentir des émotions plus complexes et que parfois elle se sent débordée. Elle ne sait plus comment réagir à ce qu’elle ressent et tout devient grave. On dit que les enfants du milieu ont du mal à trouver leur place, mais je crois que c’est vrai pour tous les enfants. Pour schématiser, j’ai l’impression qu’elle se retrouve tiraillée entre ce qu’elle sait qu’elle devrait faire, ce qu’elle veut faire et ce qu’elle veut casser.
Le changement de perspective ça marche à tous les coups. Pas forcément immédiatement, ça peut prendre plusieurs minutes et c’est à moi de multiplier les exemples jusqu’à ce que ses résistances cèdent. Ce jour-là nous avons fini par aller préparer la tenue qu’elle voulait mettre le lendemain et ce petit geste lui a permis de se projeter dans un après où tout allait bien. Comme je ne m’étais pas mise en colère, son comportement n’avait pas de prise sur moi. Je ressentais qu’elle essayait un truc après l’autre pour que je m’énerve, mais comme je restais zen et que je continuais d’essayer, à un moment elle s’est laissé aller.
J’étais fière de moi qui avait gardé mon sang-froid et fière d’elle qui était parvenue à passer à autre chose tout simplement.
Le plus souvent je ne lui en reparle pas. Je crois qu’elle est enfant et que les événements ne se déroulent pas pareil pour elle que pour moi. Moi je vois ces sept minutes comme le pire moment de ma journée. Mais je ne suis pas sûre qu’elle en ai même un souvenir précis. Parfois quand même j’en parle au moment du dernier bisou pour lui dire “ohlala tu étais fâchée tout à l’heure mais tu as réussi à passer à autre chose, c’est super”. C’est-à-dire que je me concentre vraiment sur le factuel et le positif. Je ne veux jamais la faire culpabiliser d’avoir exprimé ses émotions. Même si je ne les comprends pas.
On en reparle mercredi prochain ok ?