Souvenir d’un cache-cache dans le noir avec mes cousins, il y a environ 20 ans.
J’ai des cicatrices, un peu comme tout le monde, j’imagine. J’en ai quelques-unes qui datent de mon enfance. Elles se situent principalement sur mon bras gauche où j’en ai deux et sur les phalanges de ma main gauche. Elles sont assez discrètes et ne me dérangent pas du tout.
Je n’ai pas vraiment de cicatrices de mes grossesses, car je n’ai eu aucune vergeture sur le ventre. J’en ai eu quelques-unes sur les cuisses à cause de mes pertes de poids de premier trimestre, mais rien de dramatique.
Pendant la grossesse d’Arielle je me suis quand même blessé ventre en faisant du repassage et j’ai une cicatrice qui était d’abord assez imposante, mais qui commence à s’atténuer. Et il y a quelques mois je me suis fait ôter un grain de beauté sur le visage ce qui m’a laissé aussi une cicatrice juste en dessous de l’œil gauche.
Pendant des mois j’ai soigneusement mis de la crème sur ces cicatrices au moins deux fois par jour, parfois plus. Et de l’écran total aussi. Et puis un jour récemment j’ai arrêté.
Les cicatrices s’atténuaient vraiment bien et elles n’étaient pas loin de disparaître. Mais d’un seul coup je n’en avais plus envie. Je voulais garder ces traces sur mon corps. Pas comme des tatouages, mais comme des morceaux de mon histoire.
Ça m’a donné un peu à réfléchir. Le visage lisse que je m’efforçais de retrouver et la peau uniforme que je souhaitais me paraissaient moins intéressants.
J’avais peur de moi-même perdre en profondeur si je lissais trop ce visage. Ou ce corps. Et je me disais que c’était une histoire que je raconterai plus tard à Arielle en lui montrant ma cicatrice à côté du nombril. Mais si je crème cette cicatrice jusqu’à l’effacer, cette histoire pourrait disparaître en même temps.
Et si cette cicatrice sur mon visage symbolisait l’année 2017 ? Si toute ma vie en la voyant matin et soir elle me rappelait à quel point j’ai tenté et souvent réussi à tout mener de front et à prendre des décisions qui ont fait basculer ma vie vers un versant où je suis le moi que je semblais chercher depuis longtemps ?
Je suis encore un peu incertaine quant à l’avenir de mes cicatrices. Après n’avoir plus du tout pris soin d’y mettre une crème spécifique pendant quelques semaines, je recommence tout juste à en prendre soin, mais avec moins de rigueur.
De temps en temps le matin, et parfois le soir, mais rarement les deux. Je les laisse vivre comme je vis aussi et je pense à toutes ces autres cicatrices invisibles qui sont aussi les marques inévitables de la vie.
Parfois elles partent vites parce qu’on s’en occupe bien et d’autre fois elles traînent jusqu’à ce qu’on soit prêt à s’en charger. Mais visibles ou pas, effacées ou conservées elles représentent des moments qui nous ont construits et qui font ainsi partie de nous.